Reptilien
A en croire le scientifique américain Paul Maclean (qui a développé ses théories de neurophysiologie au siècle dernier), le cerveau humain serait constitué de plusieurs parties distinctes, empilées en quelque sorte comme un gâteau de crêpes sous notre crâne. Mais un petit gâteau, de trois crêpes seulement.
Et la couche la plus profonde, nommée "reptilienne", serait un héritage vieux de 400 millions d'années, à l'époque où nous hasardâmes une nageoire hors de l'océan pour évoluer vers les batraciens. Ce cerveau primitif est censé assurer le fonctionnement de nos besoins fondamentaux : une température régulée, un cœur qui bat à la bonne fréquence, des poumons qui respirent, un corps qui tient en équilibre... il faut avouer que c'est pratique au quotidien.
On a dit de lui qu'il était également à l'origine de nos pulsions d'alimentation et de reproduction - ce qui en a fait un sujet d'étude pour les publicitaires, associant des motifs de nourriture et de sexualité pour provoquer une décision compulsive d'achat. Le cerveau reptilien verrait encore naître les rêves et tous les réflexes automatiques assurant notre survie, comme les chats qui bondissent d'un mètre sur le carrelage de la cuisine quand leur maître facétieux a placé derrière eux un concombre qu'ils prennent pour un serpent.
Ainsi nos réactions incontrôlables de peur viendraient de millions d'années d'expérience, transmise dans la mémoire de nos cellules. Serpent/Araignées/Souris = danger = agitez-vous en tous sens en hurlant (ou grimpez sur une chaise, en hurlant aussi).
C'est normal.
J'ai toujours aimé l'idée que des souvenirs millénaires dorment en nous. Après tout, les mythes sont-ils autre chose ? Les récits de catastrophes, de monstres, de personnages aux pouvoirs surnaturels ne sont peut-être que la transcription de réalités très anciennes. Alors s'évanouit lentement la barrière dressée entre réel et imaginaire.

Ces thèmes ont occupé mon esprit depuis plusieurs mois, tandis que je rédigeais les textes que je compte publier bientôt. Je souhaitais proposer ma vision d'un univers de fantasy qui soit marqué par les émotions ; je me demandais à quoi ressemblerait le deuil d'un dragon, le désespoir d'un soldat, la rage d'un esclave, l'ennui d'un garde, le sacrifice d'un apprenti, dans un monde rempli de créatures et de magie. Loin de l'épopée, et plus près des cœurs.

Je vais tout faire pour que cet ouvrage paraisse avant la fin de l'année, j'aimerais qu'il soit richement illustré (la fantasy est un genre qui s'y prête à merveille) et transporte le lecteur. Je reprendrai à cette occasion la nouvelle Le Dernier vol du dragon, que j'avais écrite pour un petit nombre de privilégiés lors de la sortie du roman Déliée. Je vous en parlerai à nouveau prochainement, mais je peux déjà vous dire ceci : les mythes n'existent pas. Ou plutôt : ils n'ont rien de légendaires. Tous les récits tissés depuis des milliers d'années ne sont que des vies oubliées, des fragments de la mémoire des hommes, au temps où les monstres nous disputaient le monde et que la magie nous environnait.
Au fond cela n'a rien d'extraordinaire.
Il suffit de nous souvenir.